Le lycanthrope - Pétrus Borel
Nouvelle. Partie 2/2
« Le lycanthrope » est une nouvelle que l’on peut trouver dans le recueil « Champavert ou les contes immoraux » paru en 1833. Cet ouvrage est un sommet de noirceur et de cruauté qui relate fort bien les injustices de son époque. Pétrus Borel (1809-1859) est l’un des représentant du frénétisme poétique.
« — Champavert, tu blasphèmes en parlant ainsi de néant, tu me fais mal infernalement ! … Regarde donc ce ciel sillonné, cette plaine, ces monts, cette majestueuse nature ! regarde-moi ! Et après cela, crois au néant si tu peux ?
— Comme toi, Flava, j’aimais jadis les poèmes et les phrases.
— Hélas ! si nous ne devions pas renaître heureux pour l’éternité, ce serait bien atroce ! … Une vie de souffrances et de misères et plus rien après ? …
—Le néant.
— Oh ! tu ne le crois pas !
— Si, je le crois ! C’est par lâcheté que les hommes reculent devant l’anéantissement : ils se façonnent à leur guise une vie future, se bercent et s’enivrent de ce mensonge qu’ils se sont fait à eux-mêmes ; et, tous contents de cette trouvaille, quand ils agonisent, comme des fous sur le lit de fer, avec un rire niais sur les lèvres, ils vous disent : — Adieu! au revoir, je pars pour un monde meilleur, nous nous retrouverons là-haut! et puis, avec un rire encore plus niais, les héritiers, joyeux dans le cœur, répondent : — Adieu! bon voyage! nous nous rejoindrons avant peu, préparez nos places dans l’hôtellerie du paradis.
Eh bien ! non ! idiots que vous êtes ! vous allez où vont toutes choses, au néant ! … Et c’est face à face avec la mort, et le pied dans la fosse, lâches, que je vous dis cela !»