Du sentiment de la nature dans les sociétés modernes – Elisée Reclus
Article – Partie 1 et extrait de la partie 2
Élisée Reclus (1830-1905) est un géographe et militant anarchiste français. Il est l’un des précurseurs de la géographie sociale, de la géopolitique, de la géohistoire, de l'écologisme et de l'écologie.
« Du sentiment de la nature dans les sociétés modernes » a été publié par « la Revue des Deux Mondes » le 15 mai 1866.
« La Revue des Deux Mondes » est une revue de littérature et d'idées française, fondée en 1829. C'est l'une des plus anciennes publications périodiques encore en activité en France.
« Il se manifeste depuis quelque temps une véritable ferveur dans les sentiments d’amour qui rattachent les hommes d’art et de science à la nature. Les voyageurs se répandent en essaims dans toutes les contrées d’un accès facile, remarquables par la beauté de leurs sites ou le charme de leur climat. Des légions de peintres, de dessinateurs, de photographes, parcourent le monde des bords du Yang-tse-kiang à ceux du fleuve des Amazones ; ils étudient la terre, la mer, les forêts sous leurs, aspects les plus variés ; ils nous révèlent toutes les magnificences de la planète que nous habitons, et grâce à leur fréquentation de plus en plus intime avec la nature, grâce aux œuvres d’art rapportées de ces innombrables voyages, tous les hommes cultivés peuvent maintenant se rendre compte des traits et de la physionomie des diverses contrées du globe. Moins nombreux que les artistes, mais plus utiles encore dans leur travail d’exploration, les savants se sont aussi faits nomades, et la terre entière leur sert de cabinet d’étude : c’est en voyageant des Andes à l’Altaï que Humboldt a composé ses admirables Tableaux de la nature, dédiés, comme il le dit lui-même, à « ceux qui, par amour de la liberté, ont pu s’arracher aux vagues tempétueuses de la vie. »