Reconnaître le fascisme – Umberto Eco
Discours – Partie 1/2
Le 25 avril 1995, lors du cinquantième anniversaire de la libération de l’Europe, à l’Université de Columbia, Umberto Eco prononce un discours.
Ce discours, remanié sous forme d’article est ensuite publié dans la « New Yorf Review of Books ».
L’écrivain et sémiologue Umberto Eco propose dans ce texte une liste de 14 caractéristiques typiques de ce qu’il nomme l’Ur-fascisme…
Texte plus qu’à propos en ce mois de juin 2024…
« Le message célébrait la fin de la dictature et le retour de la liberté : liberté de parole, de presse, d'association politique. Ces mots, liberté, dictature — mon Dieu — je les lisais pour la première fois de ma vie. Grâce à ces nouveaux mots, je renaissais en tant qu'homme libre occidental.
Nous devons veiller à ce que le sens de ces mots ne soit pas oublié de nouveau. L'Ur-fascisme est toujours autour de nous, parfois en civil. Ce serait tellement plus confortable si quelqu'un s'avançait sur la scène du monde pour dire : « Je veux rouvrir Auschwitz, je veux que les chemises noires reviennent parader dans les rues italiennes ! » Hélas, la vie n'est pas aussi simple. L'Ur-fascisme est susceptible de revenir sous les apparences les plus innocentes. Notre devoir est de le démasquer, de montrer du doigt chacune de ses nouvelles formes — chaque jour, dans chaque partie du monde. Je laisse une nouvelle fois la parole à Roosevelt : « J'ose dire que si la démocratie américaine cessait de progresser comme une force vive, cherchant jour et nuit, par des moyens pacifiques, à améliorer la condition de nos citoyens, la force du fascisme s'accroîtra dans notre pays » (4 novembre 1938). Liberté et Libération sont un devoir qui ne finit jamais. Telle doit être notre devise : « N'oubliez pas. » »