Le frère et la sœur – Mary Shelley
Nouvelle, partie 1/2
« Le frère et la sœur » (« The Brother and Sister, An Italian Story ») est une nouvelle de Mary Shelley publié en 1832. La publication, en français, de cette nouvelle date de la même année. On la retrouve dans le tome 3 du Salmigondis, aux cotés d’une nouvelle d’Alexandre Dumas, E. T. A. Hoffmann…
Mary Shelley est la fille de la philosophe féministe Mary Wollstonecraft et de l'écrivain anarchiste et utilitariste William Godwin. Elle est l’autrice de « Frankenstein ou le Prométhée moderne ».
« On sait que ces haines de familles et de partis qui désolèrent l’Italie au moyen âge, et que Shakespeare a si bien décrites dans Romeo et Juliette, existaient presque dans toutes les villes de cette belle péninsule. Ses plus grands citoyens en furent les victimes ; par elles, des hommes qui jouissaient, la veille, de tous les avantages de la richesse, de la considération, sortaient des portes de leur cité natale, pour aller végéter dans l’exil et la pauvreté. On voyait ces malheureux bannis s’éloigner à pas lents de leurs foyers ravagés, regarder en arrière pour contempler encore une fois les flammes dévorant leurs maisons, ou la poussière élevée au-dessus de leurs décombres. Alors se dirigeant vers l’asile le plus proche, ils se préparaient à commencer une carrière de dépendance et de pénurie, en attendant qu’un changement de fortune les mît à la place de leurs oppresseurs. En ce pays, où chaque ville formait un État séparé, passer de l’un à l’autre, c’était quitter un lieu chéri pour vivre sur un sol étranger ou plutôt ennemi ; car chacun de ces petits états nourrissait contre ses voisins des sentiments de mépris ou de jalousie. L’exilé, forcé de se réfugier près de ceux qu’il avait combattus et qui devaient voir son humiliation avec joie, éprouvait sans doute un redoublement de douleur ; mais il préférait en général cette triste existence aux ressources que lui offrait le service étranger, qui l’aurait entraîné loin de cette terre d’Italie, si chère à ses enfants, loin des murailles natales pour lesquelles les Italiens de ce temps conservaient un amour, une vénération que les plus criantes injustices, les plus odieuses persécutions ne pouvaient affaiblir.»